Le dispositif pédagogique du Data Journalisme Lab 2017 (#DJL2017) s’est déroulé selon la configuration suivante :
Public : 37 étudiants de première année de Master de l’IJBA
Durée : 4 journées de lancement + 2 journées de production + 5 journées de finalisation
Une organisation revue et corrigée
Fort de notre expérience d’enseignement du data journalisme à l’IJBA depuis 2011, le planning de déroulement du module a été un peu réaménagé cette année afin de consacrer plus de temps à la phase préliminaire d’acculturation aux données et d’identification des sujets d’enquête.
En effet, au fil des éditions précédentes du Lab, l’équipe des intervenants a pu constater que les étudiants journalistes disposent en général d’une « culture des données » très approximative, d’une connaissance souvent faible des outils de tableur (tri, filtre, tableau croisé dynamique) et des méthodes ou outils de visualisation. Cette dimension, est bien compréhensible au regard du parcours des étudiants sélectionnés à l’IJBA : très peu sont issus de formation en mathématique, statistique ou informatique.
Cette année toutefois, et pour la première fois depuis 5 ans, près de la moitié de la promotion des master 1 se déclarait intéressée, en début d’année scolaire, par l’acquisition de connaissances et compétences pratiques en data journalisme. Preuve de l‘intérêt croissant des jeunes générations pour la discipline, qui est sans doute à mettre en parallèle de son développement dans l’espace médiatique.
Un intérêt de très bon augure pour les animateurs du Data Journalisme Lab… Ils ont ainsi rencontré les étudiants :
Du lundi 30 janvier au jeudi 2 février
Suzanne Galy pour une introduction participative à la notion de donnée numérique, au data journalisme, aux sources de données, à leurs formats, aux enjeux de l’open data, au data storytelling, aux méthodes de traitement des données et de visualisation
Une mise en appétit nourrie d’exercices pratiques et jeux de rôles d’appropriation de jeux de données.
Gary Dagorn, Fédéric Sallet et Rachel Garrat viennent grossir les rangs de l’équipe d’intervenants pour accompagner les étudiants dans des propositions de sujets. Leur défi éditorial, qui caractérise le Data Journalisme Lab depuis ses débuts : réaliser de préférence des enquêtes sur des sujets locaux (Bordeaux et sa région). Une sélection parmi les propositions a permis de dégager douze thèmes d’enquêtes et de former 12 groupes de travail.
Un sujet a été proposé par un étudiant qui a mené seul son projet d’enquête. Charge ensuite à chacun des groupes de dégager un angle problématique sur leur sujet, puis de le confirmer à partir de l’analyse des données et d’un travail de pré-enquête : documentation, revue de presse, pré-entretiens.
Deux semaines plus tard : lundi 13 février
Les étudiants doivent avoir défini un synopsis (au moins à l’oral) pour leur projet d’enquête, c’est-à-dire être capable de formuler de manière claire l’angle identifié, la problématique traitée, les données à collecter ou produire et les interlocuteurs à contacter…
Mais à ce stade, les groupes en sont encore pour beaucoup à rechercher ou collecter des sources pertinentes, valider des hypothèses de travail…
Un mois a passé : Lundi 13 mars
Cette journée doit permettre de faire le point sur l’avancement des projets de production, de confirmer les angles d’enquête dans les données et sur le terrain.
Les 4 journées de lancement du module et la 5e de poursuite des travaux ont porté leurs fruits : tous les groupes sont engagés dans un processus de traitement de données, en ont plus ou moins identifié le contenu et amorcé une démarche d’interrogation journalistique pour mener l’enquête de terrain.
Malins, bûcheurs ou rigoureux, les étudiants de cette promotion 2017 ne se plaignent pas de « ramer » par « manque de temps » disponible dans leur emploi du temps. De façon plus ou moins chaotique mais globalement autonome, ils progressent dans leur projet en gardant la maîtrise du temps qui file.
Même si certains peinent, ça et là, sur l’usage des tableurs et le traitement statistique, le data journalisme que nous leur proposons d’expérimenter ne semble relever pour personne d’un univers lointain et obscur, réservé aux « geeks »… Une petite victoire pour notre petite équipe de passionnés 🙂
Un groupe ose même se lancer dans une enquête ambitieuse (une exclusivité Data Lab) pour laquelle aucune donnée numérique n’est disponible. Les étudiants doivent engager une opération assez technique et fastidieuse d’aspiration automatique de données issues du web (scrapping)… sans très bien mesure où tout cela va les mener !
22, 23, 24, 29 et 30 mai : session de finalisation des productions
Au premier jour de la session de finalisation, chaque groupe se replonge activement dans son projet après une longue période loin du data journalisme. Les étudiants ont été mobilisés sur d’autres productions école, notamment avec un voyage à l’étranger. Le Data Lab est en cette fin mai le tout dernier enseignement de leur année scolaire.
Pendant cette dernière phase, le travail avec les étudiants se déroule de manière « agile », dans un esprit très collaboratif avec, comme toujours en pédagogie, de multiples va et vient, relectures partielles, discussions sur les angles et les sources, les interviews, le reportage terrain, puis sur les choix éditoriaux.
Quelques groupes semblent très à l’aise avec leur sujet, autonomes dans le traitement des données et bien avancés dans leur enquête de terrain. L’accompagnement consiste en un appui technique sur les tableurs ou pour la mise en forme visuelle des données.
Certains sujets montrent leur faiblesse : difficulté à élaborer un propos conforme à l’angle énoncé au départ du fait du manque de données disponibles ou de l’absence de révélations délivrées par les données identifiées. Un groupe se trouve confronté à des fichiers de données très prometteurs mais récupérées tardivement et qui s’avèrent finalement inexploitables car de mauvaise qualité…
Plusieurs groupes se trouvent confrontés au silence des collectivités locales qui soit ne répondent pas à leurs demandes d’accès aux données publiques, soit ne donnent pas suite à leurs demandes d’interviews.
Au terme de la session de production, une demi-journée a été consacrée à une présentation collective des productions. Ce temps a permis à l’équipe des intervenants de prendre le recul nécessaire pour mesurer les forces et faiblesses de chacune des productions publiées.
Cohérence, pertinence et clarté des visualisations de données produites par rapport au propos délivré au lecteur : l’art délicat de la mise en forme visuelle d’informations nous apparaît globalement maîtrisé. L’essentiel des remarques porte sur les choix de l’enquête terrain, l’approfondissement d’un angle ou la rédaction des articles.
Les enseignements de cet enseignement
En conclusion, le Data Journalisme Lab 2017 a une nouvelle fois mis en évidence que le journalisme de données est un registre éditorial spécifique qui fait appel à toutes les compétences du journalisme et exige de la rigueur.
D’un point de vue pédagogique, cette session de formation est toujours riche d’enseignements : elle a permis aux étudiants de progresser dans leur connaissance des sources d’information, leur approche critique de ces sources, les domaines de compétence des collectivités et organismes pourvoyeurs de données, le travail sur les chiffres et les statistiques, la notion d’angle, sa mise en cohérence avec l’information dont on dispose, la vérification de cette information, les techniques d’enquête et d’interview, l’écriture informative.
D’année en année, l’adage du #DJL2017 se vérifie et se confirme : du data journalisme d’accord, mais du journalisme d’abord.
Suzanne Galy