Cantines : le bio grignote du terrain

Les grandes villes de France adoptent cette politique d’alimentation durable, elles n’évoluent pas toutes à la même allure. Alors dans quelle ville de France les enfants mangent-ils le mieux à la cantine ? Tour d’horizon du pourcentage de produits bio proposés dans les cantines scolaires.

Les villes veulent de plus en plus recourir à des produits issus de l’agriculture biologique pour les cantines scolaires, même lorsqu’elles font appel à des sociétés de restauration.” Didier Iapichino, directeur technique du Syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) se félicite de la part accordée aux produits issus de l’agriculture biologique dans les cantines scolaires des écoles de Bordeaux. Il tempère néanmoins son enthousiasme en évoquant une tendance générale en France.

 

Bordeaux, un modèle de ver(t)u

Avec une livraison quotidienne de 23.000 repas, le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) est la plus grosse cuisine de Gironde. Elle se charge de choisir les menus de toutes les cantines, de les préparer dans son infrastructure à Caudéran puis de les distribuer aux écoles de Bordeaux et de Mérignac. C’est également l’une des plus enclines à privilégier les produits bios. Une politique adoptée depuis 2004 par le SIVU à Bordeaux que Didier Iapichino considère comme “l’ADN” du syndicat intercommunal. “On favorise au maximum le bio et les circuits-courts dans la mesure du possible, sachant que Bordeaux n’est pas une ville agricole.” Un paramètre qui n’empêche pas la ville de nourrir ses écoliers avec plus de 30% de produits bio provenant de Nouvelle-Aquitaine et des régions voisines (le boeuf provient du Limousin, la volaille de Vendée).

En ce qui concerne les exploitations engagées en bio, la Nouvelle-Aquitaine est plutôt bien fournie. Selon les chiffres de l’Agence Bio, la région est au 3e rang français avec 4.215 exploitations bio. Un exemple qui est loin de faire loi. L’Occitanie occupe la tête de ce même classement (6.495 exploitations bio), et il va sans dire que les grandes villes de la région n’ont pas décidé d’en tirer profit avec la même force. (cf. Montpellier)

La sélection des produits bio issus de circuits courts et/ou régionaux est longue et fastidieuse. “Il nous aura fallu près de deux ans de travail avec un producteur de fraises bio du Lot-et-Garonne pour organiser notre commande : quelles fraises nous voulions, comment et quand nous souhaitions les recevoir.” Bordeaux en fait son cheval de bataille, ce qui n’est pas forcément le cas de toutes les cantines françaises qui, malgré la richesse agricole de leur région, usent de produits majoritairement issus de l’agriculture dite “conventionnelle”.

Un écart souvent lié à des contraintes de stock. Au moment de l’approvisionnement, toutes les cantines scolaires entrent en concurrence pour la commande des produits bio et peuvent rapidement se trouver en rupture de produits si celle-ci n’est pas réalisée assez tôt. A ce sujet, Didier Iapichino constate une évolution timide des approvisionnements en bio. “Depuis dix ans, le bio dans les cantines a percé avec plus ou moins de difficultés au niveau de la disponibilité des produits. L’agriculture bio en France n’est pas aussi développée qu’on le souhaiterait et nos appels d’offres sont soumis aux problèmes d’approvisionnement.” C’est pourquoi Bordeaux prend de l’avance. En mai, les menus sont déjà validés jusqu’à la fin du mois de septembre.

Zoom sur Paris : une politique bio adoptée… mais pas uniforme.

A Paris, la situation est plus complexe. La réforme des cantines scolaires prévoyant la fusion des caisses des écoles patine et l’harmonisation n’est, de fait, pas encore à l’ordre du jour. Actuellement, la gestion de la restauration scolaire dépend de vingt caisses différentes (une par arrondissement). Chacune de ces caisses ayant une politique et des exigences bien à elle, la part de produits issus de l’agriculture biologique et durable servie dans les cantines varie selon les arrondissements.

Sur une période de cinq semaines, le XVIe arrondissement ne propose que 13,5% de produits bio, tandis que le IIe arrondissement affiche le score plus qu’honorable de 80%. Un chiffre qui ne dépend pas pour autant du nombre de repas servis dans chaque caisse : la plus importante caisse des écoles parisiennes sert 14.000 repas par jour. A titre de comparaison, la part de produits issus de l’agriculture biologique proposée aux écoliers bordelais s’élève à 30% pour un total de 23.000 repas servis quotidiennement.

 

Le plan alimentation durable parisien voté en 2015 prévoit une augmentation de 50% de la part de l’alimentation durable dans la restauration collective municipale en 5 ans. Celle-ci prend notamment en compte la part de produits issus de l’agriculture biologique, ainsi que les produits locaux et de saison.

La moyenne de produits bio actuellement proposés aux petits Parisiens dans les cantines scolaires tourne autour de 40%, tous arrondissements confondus*. Non loin des 50% prévus par le plan alimentation durable… Mais comment poursuivre cet objectif si les cuisines des arrondissements de Paris n’accordent pas leur politique ?

La création d’un service public unique regroupant les caisses des écoles des vingt arrondissements, prévue par la réforme des cantines scolaires entendait justement harmoniser la gestion de la restauration scolaire pour que les écoliers parisiens bénéficient de la même qualité dans leur alimentation, quel que soit leur arrondissement.

Fin 2016, la réforme avait été reportée à après 2020 suite à l’opposition de plusieurs maires (LR) d’arrondissement. La volonté de porter à 50% la part de bio dans les menus scolaires est quant à elle maintenue et elle pourrait bien s’élargir à l’ensemble de l’hexagone… Cette proposition faisait en effet partie du programme environnemental du candidat Emmanuel Macron, aujourd’hui président.

*L’étude tient compte des arrondissements dont il a été possible de récupérer les données, soit tous ceux apparaissant sur la carte.

Aurore Esclauze et Pauline Rouquette

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